Elie Faure - La sculpture Egyptienne

Publié le 3 Novembre 2014

Horus temple de Dendera

Horus, temple de Dendera

 

" La sculpture est à la fois la plus abstraite et la plus positive des expressions plastiques. Positive, parce qu’il lui est impossible d’esquiver les difficultés de sa tâche sous des artifices verbaux et que la forme ne vivra qu’à la condition d’être logiquement construite de quelque côté qu’on la regarde. Abstraite, parce que la loi de cette construction ne nous est révélée que par une série d’opérations mentales de plus en plus généralisatrices. La sculpture, avant d’être un art, fut une science, et nul sculpteur ne pourra faire œuvre durable s’il n’en a retrouvé dans la nature même les éléments générateurs. Or, ce sont les Égyptiens qui nous ont appris cela, et peut-être n’est-il pas possible de comprendre et d’aimer la sculpture si l’on n’a pas d’abord subi leur austère éducation.

 

Triade de Mykerinos

Triade de Mykerinos

 

La tête de leurs statues reste un portrait, très stylisé par la subordination de ses caractéristiques à quelques plans décisifs, mais le corps est coulé dans un canon d’une science architecturale qu’on n’atteindra plus. Un pied est devant l’autre pied, ou à côté de lui, la statue, presque toujours, est demi-nue, debout les bras collés au corps, ou assise, les coudes au thorax, les mains sur les genoux, le visage droit devant elle, les yeux fixes. Il lui est interdit d’ouvrir les lèvres, interdit de faire un geste, interdit de retourner la tête, interdit de se lever, interdit de quitter son socle pour se mêler aux vivants. On la dirait liée de bandelettes. Pourtant elle porte en elle, dans son visage où la pensée erre avec la lumière, dans son corps immobilisé, toute la vie qui s’étale sur les parois des tombes, l’éclatante vie des ténèbres.

 

Chephren statue (2)Chephren

 

Une onde la parcourt, onde souterraine, dont la rumeur est étouffée. Ses profils ont la sûreté d’une équation de pierre, un sentiment aussi vaste que tout ce que nous ignorons habite en elle sourdement. Jamais elle ne le dira. Le prêtre a enchaîné ses bras et ses jambes, cousu sa bouche de formules mystiques. L’Égypte n’atteindra pas l’équilibre philosophique, ce sens du relatif qui nous donne la mesure de notre action et, en nous révélant nos vrais rapports avec l’ensemble des choses nous assigne, dans l’harmonie universelle, le rôle de centre conscient de l’ordre qu’elle nous impose. Elle ne connaîtra pas la liberté vers laquelle elle était en marche à l’époque de Memphis et que ses peintres soupçonnent en tâtonnant dans l’ombre des tombeaux. Le prêtre lui défend de demander au mouvement confus de la nature l’accord de sa science et des aspirations sentimentales qu’elle ne peut pas contenir et qui rayonnent du basalte comme d’un soleil arrêté. "

 

Apis (2)Apis

 

Texte: Élie Faure, Histoire de l'art - L'art antique. 1921

 

Rédigé par rafael

Publié dans #EGYPTE ANTIQUITE

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A
Il y a déjà longtemps que la culture Egyptienne a impressionné le monde
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