Guyane - Les Iles du Salut - Le bagne de Saint-Joseph
Publié le 16 Janvier 2021
« Le bagne n’est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C’est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. On y chercherait vainement le gabarit qui sert à façonner le forçat. Elle les broie, c’est tout, et les morceaux vont où ils peuvent. »
« L’île Saint-Joseph n’est pas plus grande qu’une pochette de dame. Les locaux disciplinaires et le silence l’écrasent. Ici, morts vivants, dans des cercueils — je veux dire dans des cellules — des hommes expient, solitairement. »
Albert Londes, Le Bagne
Le bagne de l’île Saint-Joseph nous glace d’effroi, laissé à l’abandon, la nature y a reconquis ses droits, elle lutte avec les ruines encore debout des cellules qui s’alignent à l’infini. Le bagne est un dédale d’allées ; quelques ouvertures donnent à voir de minuscules cellules ouvertes au ciel. Parfois un arbre a poussé là où des hommes ont pleuré. Des racines immenses courent le long des murs, le silence règne, ils sont humides de larmes et de moisissures. Nous redescendons sur la plage en longeant le cimetière, en face: l’île du Diable.
« Les condamnés appellent l’île du Diable : le Rocher noir.
On croirait n’avoir qu’à enjamber pour passer. C’est une tout autre affaire. Naguère, un câble aérien réunissait les deux îles. Ainsi, chaque matin, dans un petit wagonnet, partait le ravitaillement. Il est difficile d’aller chez les déportés. Un goulet sépare les deux terres. Le courant est impératif. Aucun bateau ne s’y aventure. La mer ici semble un mur hérissé de tessons de bouteilles ! »
« Île du Diable ! tombeau de vivants, tu dévores des vies entières. Mais ton silence est tel que
pour le passant tu n’es qu’une page ! »
Albert Londres, Le Bagne.