Vernet - Diderot Salons
Publié le 23 Mars 2011
"Nous marchons. J'allois la tête baissée, selon mon usage; lorsque je me sens arrêté brusquement, et présenté au site que voici.
A ma droite, dans le lointain, une montagne elevoit son sommet vers la nue. Dans cet instant, le hazard y avoit arrêté un voyageur debout et tranquille. Le bas de cette montagne nous etoit dérobé par la masse inter posée d'un rocher. Le pié de ce rocher s'etendoit en s'abaissant et en se relevant et separoit en deux la profondeur de la scène. Tout a fait vers la droite sur une saillie de ce rocher, j'observai deux figures que l'art n'auroit pas mieux placées pour l'effet. C'etoient deux pescheurs. L'un assis et les jambes pendantes vers le bas du rocher tenoit sa ligne qu'il avoit jettée dans des eaux qui baignoient cet endroit. L'autre, les épaules chargées de son filet, et courbé vers le premier s'entretenoit avec lui. Sur l'espèce de chaussée rocailleuse que le pié du rocher formoit en se prolongeant; dans un lieu ou cette chaussée s'inclinoit vers le fond, une voiture couverte et conduite par un paysan descendoit vers un village situé au dessous de cette chaussée. C'etoit encore un incident que l'art auroit suggéré. Mes regards rasant la crête de cette langue de rocaille, rencontroient le sommet des maisons du village, et alloient s'enfoncer et se perdre dans une campagne qui confinoit avec le ciel.
"Quel est celui de vos artistes, me disoit mon cicerone, qui eut imaginé de rompre la continuité de cette chaussée rocailleuse par cette touffe d'arbres?"
... Vernet, peut être. ...
"A la bonne heure. Mais votre Vernet en auroit il imaginé l'elegance et le charme? auroit'il pu rendre l'effet chaud et piquant de cette lumière qui joue entre leurs troncs et leurs branches ?"
... Pourquoi non?...
"Rendre l'espace immense que votre oeil découvre au delà?"
... C'est ce qu'il a fait quelquefois. Vous ne connoissez pas cet homme; jusqu'où les phénomènes de nature lui sont familiers. Je repondois de distraction; car mon attention etoit arrêtée sur une masse de roches couvertes d'arbustes sauvages que la nature avoit placéea l'autre extrémité du tertre rocailleux. Cette masse etoit pareillement masquée par un rocher antérieur qui se séparant du premier, formoit un canal d'où se precipitoient en torrent des eaux qui venoient sur la fin de leur chute se briser en ecumant contre des pierres détachées... Eh bien, dis je a mon cicérone, allez vous en au Sallon, et vous verrez qu'une imagination féconde, aidée d'une étude profonde de la nature a inspiré a un de nos artistes précisément ces rochers, cette cascade et ce coin de paysage... Et peut être avec ce gros quartier de roche brute, et le pescheur assis qui relevé son filet, et les instruments de son métier epars a terre autour de lui, et sa femme debout, et cette femme vue par le dos,...
Vous ne scavez pas, l'abbé, combien vous êtes un mauvais plaisant... L'espace compris entre les rochers au torrent, la chaussée rocailleuse et les montagnes de la gauche formoient un lac sur les bords duquel nous nous promenions. C'est de la que nous contemplions toute cette scène merveilleuse. Cependant il s'etoit élevé, vers la partie du ciel qu'on appercevoit entre la toufe d'arbres de la partie rocailleuse et les rochers aux deux pescheurs, un nuage léger que le vent promenoit a son gré...
Lors me tournant vers l'abbé; en bonne foi, lui dis- je, croyez vous qu'un artiste intelligent eut pu se dispenser de placer ce nuage précisément ou il est. Ne voyez vous pas qu'il établit pour nos yeux un nouveau plan, qu'il annonce un espace en deçà et en delà, qu'il recule le ciel, et qu'il fait avancer les autres objets? Vernet auroit senti tout cela. Les autres, en obscurcissant leurs ciels de nuages, ne songent qu'à en rompre la monotonie. Vernet veut que les siens aient le mouvement et la magie de celui que nous voyons...
"Vous avez beau dire Vernet, Vernet; je ne quitterai point la nature pour courir après son image. Quelque sublime que soit l'homme; ce n'est pas Dieu."
... D'accord. Mais si vous aviez un peu plus fréquenté l'artiste, il vous auroit peut être appris a voir dans la nature ce que vous n'y voyez pas. Combien de choses vous y trouveriez a reprendre? Combien l'art en supprimeroit qui gâtent l'ensemble et nuisent à l'effet; combien il en rapprocheroit qui doubleraient notre enchantement...
"Quoi, sérieusement vous croyez que Vernet auroit mieux a faire que d'être le copiste rigoureux de cette scène."
... Je le crois...
"Dites moi donc comment il s'y prendrait pour l'embellir?"
... Je l'ignore, et si je le scavois je serois plus grand poète et plus grand peintre que lui. Mais si Vernet vous eut appris a mieux voir la nature, la nature de son coté vous eut appris a bien voir Vernet. ...
"Mais Vernet ne sera toujours que Vernet, un homme."
... Et par cette raison d'autant plus étonnant, et son ouvrage d'autant plus digne d'admiration. C'est sans contredit une grande chose que cet univers. Mais quand je le compare avec l'énergie de sa cause productrice, si j'avois a m'emerveiller, c'est que son oeuvre ne soit pas plus belle et plus parfaite encore. C'est tout le contraire, lorsque je pense a la foiblesse de l'homme, a ses pauvres moyens, aux embarras et a la courte durée de sa vie, et a certaines choses qu'il a entreprises et exécutées. L'abbé, pourroit-on vous faire une question; c'est d'une montagne dont le sommet iroft toucher et soutenir le ciel, et d'une pyramide seulement de quelques lieues de base et dont la cime finiroit dans les nues, laquelle vous frapperoit le plus. Vous hésitez. C'est la piramide, mon cher abbé; et la raison, c'est que rien n'étonne de la part de Dieu, auteur de la montagne; et que la piramide est un phénomène incroyable de la part de l'homme. " |
Diderot, Salons
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