Vénus - Aphrodite
Publié le 23 Juillet 2013
Botticelli 1445-1510, Sandro, Florence, Italie Naissance de Vénus
"La déesse de l'amour, qui hante la nature et règne sur le coeur des hommes, est une divinité complexe, dont le caractère et le culte offrent une curieuse union d'éléments étrangers et helléniques. Cette dualité apparaît déjà dans le mythe de sa naissance : d'après Homère, Aphrodite est fille de Zeus et de Dioné, tandis que, dans la Théogonie, elle sort de l'écume marine formée autour du membre viril d'Ouranos mutilé par Cronos. De cette dernière légende, qui valut à la déesse les épithètes d'aphrogenês, aphrogeneia, pontogenês, pontogeneia, thalassigonos, les anciens tiraient la principale explication de son nom ; elle était celle qui a surgi des flots, l'Anadyomène. La philosophie, en quête de symboles, dégagera de cette double provenance une antithèse morale ; d'après Platon, la fille d'Ouranos est la noble déesse Uranie ; la fille de Zeus et de Dioné, plus jeune, est l'Aphrodite Pandèmos.
Brueghel de Velours 1568-1625, Jan, Flemish Venus et Vulcain
La déesse d'Hésiode est l'épouse d'Arès, dont elle a Phobos, Deimos, Harmonia, et cette tradition semble avoir été capitale dans le culte. Mais la légende illustrée par le chant de Démodocos prévaudra dans l'imagination populaire : Aphrodite a contracté un mariage régulier avec Héphaistos, qu'elle trompe pour l'amour d'Arès. Parmi ses nombreux enfants, Eros brille au premier rang, sans que les anciens aient pu s'accorder sur le nom de son père.
D'une facon générale, Aphrodite est la déesse des espaces célestes ; aussi réside-t-elle sur les hauts lieux qui baignent dans l'éther. Son culte était parfois célébré sub divo, à Paphos par exemple, où elle porte le nom d'Aeria. En plusieurs endroits, comme à Chypre, à Cnide, à Corinthe, à Argos, à Trézène elle est vénérée à titre d'Akraia. Protectrice des acropoles, elle est aussi une déesse armée, ce qui peut, d'ailleurs, être dû à l'analogie établie entre les rayons sidéraux et des flèches ou des lances, ou au rapport imaginé entre la lune et l'orage, dont le tumulte emplit les nuées. Ce caractère guerrier apparaît surtout à Chypre, à Cythère, à Corinthe, à Sparte, où l'on signale une Aphrodite Areia, à Argos, où la déesse est appelée Nikêphoros.
Rubens 1577-1640, Peter Paul, Siegen, Belgique celebration de Vénus
Ainsi que les divinités orientales de nature analogue, Aphrodite est en relation étroite avec l'élément humide et liquide. Les Grecs reconnaissaient en elle une déesse de la mer, peut-être à cause de l'influence de la lune sur le flux et le reflux, peut-être aussi parce que, conçue, à titre d'Uranie, comme déesse du beau temps, elle devait favoriser la navigation. Son nom même, on l'a vu, rappelait aux anciens sa naissance marine. On la qualifiait de pontia, einaliê, thalassaiê et on l'évoquait, portée par Zéphyre, dans la molle écume, des parages de Cythère à Chypre, où l'accueillent les Heures aux bandelettes d'or.
Boucher 1703-1770, Francois, Paris, France Le Triomphe de Vénus
Parfois, on la disait fille de Zeus et de la mer, et des artistes montraient Thalassa la soulevant hors des flots, tandis que Tritons et Néréides célébraient joyeusement son apparition. Elle est l'Anadyomène, qui règne sur les eaux dont elle est sortie, et il est vraisemblable que plusieurs légendes faisaient d'elle l'amante de Poseidon, à qui nous la voyons fréquemment associée dans le culte, à Panticapée, à Aeges en Cilicie, à Egine, à Corinthe, à Patras, à Orchomène. Le coquillage deviendra un des attributs de la déesse ; le dauphin, l'alcyon, le pompilos, le cygne lui étaient consacrés, tous démons de la mer tranquille ou annonciateurs du beau temps. Sereine et douce, galênaiê, elle calme le vent et les vagues ; son sourire luit dans les ondes lumineuses ; elle rassure et protège contre le péril de mer, en vraie Dame du Bon-Secours. On la consultait, à Paphos, au sujet de la navigation, et elle était vénérée sous les noms de Nauarchis ou d'Euploia, comme à Cnide et à Athènes.
Veronese 1528-1588, Paolo, Verona Venus et Adonis
On ne saurait étre surpris qu'Aphrodite, déesse de l'astre qui produit la rosée et souveraine de la mer, soit encore le principe de la fertilité terrestre. Grâce à elle, les forces végétatives sont réveillées à chaque printemps, quand le ciel s'épanche en tièdes ondées pour féconder le sein de la terre, qui donnera ses fruits aux mortels. Aussi les poètes nomment-ils Aphrodite zeidôros, êpiodôros, eukarpos ; on dresse l'arbre de mai en son honneur ; et nous avons signalé son culte cnidien sous le vocable de dôritis, qui rappelle ses bienfaits. Quand la déesse aborde à Chypre, un vert gazon se déroule sous ses pas, et toujours, pour elle, les chemins se couvrent de fleurs. Elle les fait naître et leur parfum imprègne ses voiles ; elle est la fleurie, antheia. Avec les Nymphes et les Charites, elle en tresse d'odorants chapelets, sur l'Ida et elle aime, entre toutes, l'anémone, le myrte et la rose. Elle aime aussi les bosquets et les frais jardins qui lui étaient souvent consacrés, à Athènes par exemple, où Uranie était vénérée en kêpois.
Ribera 1591-1652, Jose de, Jativa Valencia, Espagne Venus et Adonis
Le rapport intime d'Aphrodite avec la végétation printanière apparaît bien dans son union avec Adonis, qui en est le symbole. L'existence du héros est éphémère comme celle des plantes fragiles qu'on lui dédiait à ses fêtes ; après les six mois de belle saison, tandis que l'automne recueille les fruits et que l'hiver dépouille les champs de leur parure, il doit retourner dans les Enfers. Aphrodite, dès lors, n'est plus la souriante et la dorée ; elle s'afflige de ce départ et se voile dans le deuil universel de la nature : elle aussi descendra chez les morts. Associée au déclin de la fertilité, elle prendra un caractère sombre et funèbre, qui s'affirme parfois dans le culte, et qui fait d'elle une seconde Perséphone, mais Aphrodite réapparaîtra triomphante, et c'est à cause de ce triomphe périodique qu'on la concevra sans doute comme libératrice de l'Hadès.
Poussin 1594-1665, Nicolas, Villers, Netherlands Le Sommeil de Venus et Eros
Source de la beauté, idéal accompli des charmes féminins, elle est avant tout la déesse de l'amour et du plaisir. Déjà chez Homère, qui l'oppose à la sévère Athèna, elle est efféminée et amie de la volupté. Les poètes la disent aussi douce que le miel ; ils glorifient l'éclat de ses veux et le contour parfait de ses paupières, le sourire de sa bouche, la pureté de son sein et de sa nuque, l'éblouissante blancheur de ses pieds ou de ses bras, et le plus bel hommage qu'on puisse rendre à une femme est de la rapprocher d'Aphrodite d'or. Elle sait l'art de rehausser les dons naturels par la toilette et la parure ; d'après les Chants Cypriens, où était racontée la victoire d'Aphrodite sur les deux déesses rivales, les Charites et les Heures ont tissé ses voiles ; elles les ont imprégnés de la couleur et du parfum des fleurs qui composent aussi sa couronne, et la déesse exhale une douce odeur de crocus, d'hyacinthe, de violette, de rose, de narcisse et de lis.
Le Titien, 1487-1576, , Italie La Venus d'Urbino
Les Grâces forment son cortège, avec Peithô qui persuade, Himéros et Pothos, symboles du regret amoureux et du désir, Eros surtout, son fils et son ministre. Sa ceinture, qu'elle prête à Héra, recèle un charme pour séduire. D'elle viennent les dons qui attirent le coeur, et auxquels on la voit elle-même sensible, quand elle les trouve dans la personne de ses amants ou de ses favoris, comme Phaéthon, Phaon, Cyniras, Boutès, Pâris, Enée, Adonis et Anchise. Aphrodite, en effet, s'est unie à un mortel sur l'Ida pleine de sources, et le souvenir de sa tendresse pour Adonis s'éternise dans la rose empourprée du sang du héros et dans l'anémone qui fleurit de ses larmes de déesse.
Aphrodite n'a donc pas échappé à la loi qu'elle fait régner sur les dieux et sur les hommes, châtiant cruellement tout être qui refuse de s'y plier. Elle incline le coeur à sa volonté, d'autant plus irrésistible qu'elle se déchaîne de préférence sur les femmes : Hélène, Médée, Pasiphaé, Ariane, Phèdre, Hippodamie sont autant de victimes qui l'ont subie comme une sorte de fatalité. Cruelle et douce à la fois, dispensatrice de tourments et de bonheur, Aphrodite est une puissance invincible ; un poète la fera même triompher de la mort, quand il évoquera les amoureuses errant aux Enfers, dans les bosquets de myrte, toujours en proie à leur souci.
Velazquez 1599-1660, Diego de Silva, Seville, Espagne Venus au miroir
C'est ainsi qu'Aphrodite, parfois nommée Etaira et Pornê, devint la patronne des courtisanes ; celles-ci la glorifient par leurs charmes et les passions qu'elles allument ; elles sont ses prêtresses, usurpent même son nom et ses honneurs. A l'époque où l'art, répudiant la gravité religieuse du passé, ne songe plus qu'à représenter dans Aphrodite la perfection de la beauté féminine, Praxitèle et Apelle s'inspirent de célèbres hétaïres ; Phryné jouait à l'Anadyomène, en se jetant toute nue dans la mer, aux yeux d'un peuple émerveillé.
Le Titien, 1487-1576, , Italie Venus au miroir
Le dévoilement complet d'Aphrodite est chose consacrée ; on s'attache aux sujets qui justifient sa nudité, tels que le bain, motif déjà utilisé pour la Cnidienne et qu'on reprend dans la Vénus accroupie ; les sculpteurs tireront aussi parti du motif de l'Anadyomène, rendu célèbre par le tableau d'Apelle, où l'on voyait la déesse sortant de l'eau à mi-corps et tordant sa chevelure. La toilette d'Aphrodite deviendra un des thèmes préférés de l'art ; on la montrera serrant sa ceinture contre sa poitrine, mettant ou déliant sa sandale dont elle use, au besoin, pour châtier Eros ou un admirateur indiscret. On arrive ainsi aux purs sujets de genre, et il est clair que les artistes sont beaucoup moins préoccupés de la déesse que d'exprimer, à propos d'elle et sous un prétexte quelconque, toutes les grâces d'un jeune corps."
Article Venus du Daremberg et Saglio (1877)
L'antiquité gréco-romaine diversifie le processus de symbolisation par la double figure d'Aphrodite/Vénus ; elle commence à représenter de grands thèmes sociétaux comme, en plus de la fertilité, la prospérité, la victoire militaire, et bien sûr la sexualité. Des formes archétypales et esthétiques commencent à se préciser, comme celle de l'Aphrodite de Cnide qui devient un véritable lieu commun de la sculpture antique. Elle aurait été diffusée jusque dans la mythologie agraire et nourricière des Gaules (où l'on retrouve des statuettes stratégiquement placées dans les tombes, les sources, les maisons et les temples).
Cranach d. Ae. 1472-1553, Lucas, Kronach Oberfranken, Allemagne Venus et Cupidon
Il faut attendre la fin du Moyen Âge et la Renaissance occidentale pour voir entrer le motif de Vénus dans une véritable interprétation artistique, essentiellement fondée sur l'appropriation des motifs de l'antiquité dans l'art classique et néo-classique. Le thème vénusien est un grand favori, et des topiques comme celui de la naissance de Vénus, ou Vénus anadyomène sont variés à l'infini (le tableau de Botticelli étant sans doute son instance la plus célèbre). Ces appropriations, si elles témoignent de la valorisation de l'héritage gréco-romain par les Européens, laissent transparaître également certaines des visions de leurs contemporains sur le rapport au corps, à l'érotisme et à la sexualité, à la subversion et la transgression.
Giorgione 1477-1510, , Italie Le sommeil de Vénus
Si c'est la Vénus déesse de l'amour qui est privilégiée, elle est parfois traitée en corrélation (souvent sur le mode du conflit moral) avec la figure chrétienne de Marie, par exemple dans l’œuvre de Boccace. Cependant, ces visions se révèlent essentiellement in absentia dans la mesure où Vénus fait partie des quelques figures que l'on peut montrer nues sans scandale, privilège réservé aux figures antiques et quelques figures religieuses. C'est seulement avec l'art moderne que la question de la nudité, réinsérée dans le contexte du naturalisme et du réalisme, repose plus explicitement des questions sociétales. L'analyse par les historiens de l'art de la figure vénusienne privilégie le traitement esthétique et psychanalytique du désir libidinal (plus ou moins contraint ou libéré) qui symboliserait la violence de la société par rapport à la représentation du corps physique, d'abord dans son extériorité et ses rapports au corps social et parfois dans son intériorité et ses rapports au corps médical (par exemple à travers la Vénus des Médecins).
En art contemporain, à des appropriations relativement classiques de la figure de l'Aphrodite de Cnide, mêlée parfois aux avancées du réalisme du XIXe siècle , s'ajoutent des réinterprétations de type naïf, comme dans Le Rêve, d'Henri Rousseau (1910), qui reprend la topique de la Vénus à la coquille, ou des réinterprétations par les nouvelles techniques picturales de l'impressionnisme, du cubisme, ou encore du fauvisme comme par exemple dans la Naissance de Vénus de Raoul Dufy (environ 1940) - le motif de la Vénus anadyomène revient à plusieurs reprises chez Dufy, ainsi que sa variante la Vénus à la coquille.
Dans les années 1960, le thème vénusien renoue avec les problématiques de la féminité repensées dans le vif de l'actualité, et en particulier dans le contexte de l'émancipation de la femme. La Vénus aux ongles rouges d'Arman réinterprète la Vénus aux Médecins et fait voir en transparence des organes faits de mains de mannequins de vitrine. La Vénus Bleue (1962) de Klein est un portrait-relief en bleu IKB, alliant sa couleur signature, symbole d'innovation et de modernité, à une figure féminine antique. Les Vénus de Luis Lojola, quant à elles, renouent avec certaines des conventions figuratives stylisées des vénus paléolithiques tout en les adaptant au contexte social contemporain qui voit la montée du pouvoir de la femme : par exemple ses Vénus pleine, Vénus boule, ou encore Vénus carnivore (1966).
Source: Article Venus du Daremberg et Saglio (1877), Wikipédia.
Illustrations: Visipix.com
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