Sophocle - Oedipe roi - Monologue d'Oedipe

Publié le 10 Novembre 2013

 
 OEDIPE. - Je ne saurais te dire non ; mon anxiété est trop grande. Quel confident plus précieux pourrais-je donc avoir que toi, au milieu d'une telle épreuve? Mon père est Polybe - Polybe de Corinthe. Mérope, ma mère, est une Dorienne. J'avais le premier rang là-bas, parmi les citoyens, lorsque survint un incident, qui méritait ma surprise sans doute, mais ne méritait pas qu'on le prît à coeur comme je le pris. Pendant un repas, au moment du vin, dans l'ivresse, un homme m'appelle " enfant supposé ". Le mot me fit mal ; j'eus peine ce jour-là à me contenir, et dès le lendemain j'allai questionner mon père et ma mère. Ils se montrèrent indignés contre l'auteur du propos ; mais, si leur attitude en cela me satisfait, le mot n'en cessait pas moins de me poindre et faisait son chemin peu à peu dans mon coeur. Alors, sans prévenir mon père ni ma mère, je pars pour Pythô ; et là Phoebos me renvoie sans même avoir daigné répondre à ce pour quoi j'étais venu, mais non sans avoir en revanche prédit à l'infortuné que j'étais le plus horrible, le plus lamentable destin: j'entrerais au lit de ma mère, je ferais voir au monde une race monstrueuse, je serais l'assassin du père dont j'étais né ! Si bien qu'après l'avoir entendu, à jamais, sans plus de façons, je laisse là Corinthe et son territoire,je m'enfuis vers des lieux où je ne pusse voir se réaliser les ignominies que me prédisait l'effroyable oracle. Et voici qu'en marchant j'arrive à l'endroit même où tu prétends que ce prince aurait péri... Eh bien! A toi, femme, je dirai la vérité tout entière. Au moment où, suivant ma route, je m'approchais du croisement des deux chemins, un héraut, puis, sur un chariot attelé de pouliches, un homme tout pareil à celui que tu me décris, venaient à ma rencontre. Le guide, ainsi que le vieillard lui-même, cherche à me repousser de force. Pris de colère, je frappe, moi, celui qui me prétend écarter de ma route, le conducteur. Mais le vieux me voit, il épie l'instant où je passe près de lui et de son chariot il m'assène en pleine tête un coup de son double fouet. Il paya cher ce geste-là! En un moment, atteint par le bâton que brandit cette main, il tombe à la renverse et du milieu du chariot il s'en va rouler à terre - et je les tue tous... Si quelque lien existe entre Laïos et cet inconnu, est-il à cette heure un mortel plus à plaindre que celui que tu vois ? Est-il homme plus abhorré des dieux ? Étranger, citoyen, personne ne peut plus me recevoir chez lui, m'adresser la parole, chacun me doit écarter de son seuil. Bien plus, c'est moi-même qui me trouve aujourd'hui avoir lancé contre moi-même les imprécations que tu sais. A l'épouse du mort j'inflige une souillure, quand je la prends entre ces bras qui ont fait périr Laïos ! Suis-je donc pas un criminel? Suis-je pas tout impureté? Puisqu’il faut que je m'exile, et qu'exilé, je renonce à revoir les miens, à fouler de mon pied le sol de ma patrie ; sinon, je devrais tout ensemble entrer dans le lit de ma mère et devenir l'assassin de mon père, ce Polybe qui m'a engendré et nourri. Est-ce donc pas un dieu cruel qui m'a réservé ce destin? On peut le dire, et sans erreur. O sainte majesté des dieux, non, que jamais je ne voie ce jour-là ! Ah ! Que plutôt je parte et que je disparaisse du monde des humains avant que la tache d'un pareil malheur soit venue souiller mon front !

 

Rédigé par rafael

Publié dans #GRECE ANTIQUITE

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H
Bonjour, <br /> je suis un collégienne et je dois faire un exposer sur Œdipe. Pourrais-je utiliser certaine de vos photos?
Répondre
R
Bonjour,<br /> bien sûr quelles photos ?