Simon Vouet - Jean-Joseph Taillasson
Publié le 25 Janvier 2014
Vierge à l'enfant
"Simon Vouet pourrait être regardé, avec quelque raison, comme le fondateur de l’École française ; sans doute Jean Cousin était célèbre bien auparavant ; mais ce savant homme n’a le plus souvent déployé son génie que sur des vitraux, champ fragile, où les beaux-arts brillaient, surtout dans ce temps-là ; cette espèce de peinture n’a guère tardé à n’être plus employée ; d’ailleurs on ne dit point que Jean Cousin ait eu d’École, et il fut sculpteur aussi souvent que peintre. On peut au moins assurer que le Vouet a été le premier habile peintre Français qui, chargé d’une suite de travaux dans sa patrie, ait eu l’occasion d’acquérir une grande réputation. Il était né très-heureusement pour la peinture ; les dispositions qu’il avait annoncées à Paris, et qu’il montra plus encore étudiant en Italie, lui firent, dans sa jeunesse, obtenir de Louis XIII une pension qui, très-modique d’abord, fut ensuite très-augmentée. Il eut, sans doute, des succès mérités, puisqu’il fut élu Prince de l’Académie de Saint Luc à Rome, dans le temps où vivaient les Guide, les Dominiquin, les Lanfranc et d’autres excellens artistes : ce fut sur sa réputation qu’après avoir demeuré quinze ans en Italie, il fut mandé par Louis XIII, pour prendre la conduite de beaucoup de travaux. La puissance et la gloire de la France s’accroissaient alors rapidement sous le ministère du cardinal de Richelieu.
Apollon et les Muses
Dans ce temps, aurore brillante du siècle éblouissant de Louis XIV, toutes les sciences, tous les arts avaient le besoin, la passion du beau. Des bibliothéques, des cabinets de tableaux se formaient, des palais magnifiques s’élevaient ; l’architecture appelait la peinture et la sculpture, pour accroître leurs beautés diverses en les réunissant. Les richesses portant l’empreinte de l’âme de ceux qui les possédaient, loin de craindre de se montrer, s’efforçaient d’éclater à l’envi, sous les formes les plus nobles : en ce moment arrive le Vouet, précédé d’une grande réputation ; il paraît avec sa manière facile et séduisante ; il paraît dans un pays où l’on avait, dans les arts, plus la chaleur d’un amour nouveau que de véritables connaissances ; sans posséder profondément aucune partie de la peinture, il les avait toutes à un certain degré ; il étonna, il excita l’enthousiasme ; chanté par l’admiration et par la mode, il fut chargé d’une quantité prodigieuse d’ouvrages ; on ne voyait pas d’églises, de palais, de maisons considérables, qui ne fussent ornées de ses productions. Ce furent ces immenses travaux qui, en accroissant sa fortune et sa renommée, l’empêchèrent de soigner assez ses ouvrages, pour leur donner le degré de perfection auquel il il aurait pu les porter, en y employant plus de temps. Il fut forcé de se faire une manière expéditive, où les pensées souvent ordinaires ne sont pas exécutées avec assez de soin ; où les masses sont larges, agréables aux yeux, mais où rien n’est profond. La facilité qu’il avoit à faire promptement des portraits ressemblans, accrut aussi sa vogue : il fit ceux du roi et des seigneurs de sa cour : il enseignait à ce monarque à en faire lui-même ; et les courtisans les trouvoient sans doute parfaits. Ses tableaux, sa brillante faveur lui procurèrent un nombre prodigieux d’élèves, qui, preneurs naturels de leur maître, trompettes retentissantes dans tous les quartiers de Paris, augmentèrent encore beaucoup sa bruyante célébrité.
Vouet forma son talent, en Italie, dans le temps où la peinture était divisée en plusieurs partis ; dans le temps où l’amour du dessin sévère et grand d’Annibal Carrache et de ses élèves, était balancé par celui de beaucoup d’artistes, pour la manière neuve et vigoureuse de Michel-Ange de Caravage, et pour celle de Josepm. Le Vouet fit d’abord des tableaux, tenant du goût du Caravage et de Valentin : son inclination semblait le porter à une manière forte et facile, vers cette sorte de peinture qui étonne les yeux, bien plus qu’elle ne parle au cœur et à l’esprit. Dans la suite, il préféra surtout la promptitude et la hardiesse de l’exécution, à toutes les autres parties de la peinture. Il semble ne pas imaginer que ce bel art puisse jamais aller au cœur, et lorsqu’il peignait, vraisemblablement il ne sentait guère le sien s’émouvoir.
Loth et ses filles
Le Sueur, son illustre élève, qui lui ressemble dans beaucoup de choses, est cependant un des peintres les plus touchans ; et rien ne prouve mieux que la partie des beaux-arts qui émeut, qui attendrit les âmes, ne tient point aux principes, à la science : elle est la fille enchanteresse de l’instinct ; son pouvoir peut s’accroître par les circonstances, il pourroit s’altérer, il ne sauroit s’acquérir.
Venus et Mars
Un des principaux caractères qui distinguent son talent, est donc la facilité et la hardiesse du pinceau ; un autre de ses caractères, est d’avoir fait de larges masses d’ombre, souvent trop plates, de n’avoir pas donné aux objets leur saillie et leur relief, de n’avoir pas bien senti la dégradation de la lumière et la magie du clair-obscur : une chose le caractérise encore, c’est d’avoir fait des mains trop souvent posées de la même manière, et dont les doigts sont longs et pointus ; manière que vraisemblablement il avoit prise du Tintoret et de Paul Véronèse qu’il avoit étudiés à Venise. Le Vouet n’est de la première force en aucune partie ; on ne pourroit pas le citer comme un savant dessinateur, on ne pourroit pas cependant prononcer qu’il dessinoit mal ; on en pourroit dire autant de ses compositions et de son coloris, mais ses ouvrages portent l’empreinte d’un maître très-heureusement né pour son art et formé dans de savantes Écoles ; mais il a réuni beaucoup de parties à un certain degré qui lui ont fait faire de beaux tableaux, et qui ont dû lui donner une réputation extraordinaire, dans un temps où personne, en France, ne peignoit aussi bien, et aussi promptement bien que lui.
Présentation au Temple, Musée du Louvre. Paris
Le plus beau, le plus estimé de ses ouvrages, est une Présentation au Temple, qui se voit au Musée Napoléon ; il est disposé et peint grandement ; les plans y sont nets, la perspective en est bien entendue ; et quoique les objets y soient un peu découpés, la façon dont ils s’y détachent les uns des autres, plaît aux yeux : la couleur, sans être bien vraie, en est agréable ; la composition, le dessin, les agencemens des draperies sont de grande manière ; cet ouvrage tient bien sa place parmi les tableaux des peintres les plus fameux ; et si cet artiste avoit laissé beaucoup de productions de cette force, peut-être changeroit-on le jugement que l’on porte, en général, sur ses ouvrages.
Sous ses pensées faciles, Vouet a couvert de vastes murailles par une foule de plafonds ; la plupart de ces riches et brillans travaux ne subsistent plus ; ce qu’il en reste ne peut durer bien long-temps : mais fussent-ils conservés encore, la postérité, qui n’estime point les talens en raison de la quantité de leurs productions, ne pouvoit lui accorder la place qu’il a eue de son vivant ; elle n’a pu cependant lui refuser un rang distingué parmi les artistes qui honorent leur patrie. Il eut pour élèves, le Brun et le Sueur ; cette espèce de gloire accroît encore beaucoup la célébrité de son nom.
Né à Paris en 1582 ; il était fils et élève de Laurent Vouet, peintre médiocre. À vingt ans il suivit M. de Sancy, ambassadeur à Constantinople, et y peignit le portrait du Grand Seigneur, qui était très-ressemblant, quoiqu’il n’eût été fait que de mémoire. Ensuite il alla en Italie, y demeura quatorze ans, et y fut élu prince de l’Académie de Saint Luc à Rome. Le roi Louis XIII le fit venir à Paris en 1627, pour travailler dans les maisons royales, et particulièrement au Luxembourg. Il fut employé dans les plus grands et les plus importans ouvrages. « La France lui a obligation d’avoir détruit une manière fade et barbare qui y régnoit, et d’avoir commencé d’y introduire le bon goût, conjointement avec Blanchart. »
Vouet eut une prodigieuse quantité d’élèves : non-seulement tous ceux qui se sont distingués dans la peinture, mais ceux même qui ont eu de la réputation dans les arts dépendans du dessin, ont été instruits à son École : parmi ces derniers, Dorigny et le Notre ont été les plus renommés. Sa manière eut, dans son temps, une si forte influence, elle a été propagée par tant d’artistes habiles, que le goût français s’en est toujours senti depuis, et que peut-être il en reste encore quelque chose sans que l’on s’en doute. Vouet mourut en 1641, âgé de cinquante-neuf ans."
Jean-Joseph Taillasson, 1807
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