Hermes - Mercure

Publié le 29 Mars 2013

Hermes Mercure Mercury Velazquez

Mercure et Argus, Velazquez

 

" L'idée première d'Hermès serait-elle celle d'un dieu infernal comme Pluton ? Aucune preuve décisive ne l'établit. Nous aurons à constater cependant que ce dieu aux multiples aspects a été, après les temps homériques, envisagé comme en rapport avec les choses de dessous terre. D'autres origines très diverses ont été proposées par les modernes. Par exemple, un certain nombre d'analogies, souvent verbales, entre le vent et Mercure ont fait croire à Roscher que le dieu n'est que la personnification de cette force naturelle ; le vent semblait venir de l'éther, de Zeus, des grottes de montagnes, comme Hermès ; comme lui les Boréades, ou les vents, sont la rapidité même, ont des ailes, emportent ce qui se trouve sur leur passage, fécondent ou dessèchent les champs, tiennent les voyageurs dans leur dépendance, etc.

 

Mais ces rapports sont trop ingénieusement établis entre toutes les qualifications de l'un et l'autre terme ; ils devraient dériver d'une même conception primitive d'Hermès, ce qui n'est pas. Pour d'autres, il est l'Obscur et semble avoir personnifié tout ce qui est ténébreux : enfer et nuit, nuages et pluie. Après avoir représenté le combat journalier des ombres contre les rayons, il serait devenu le dieu qui rafraichit et féconde et aussi le vent rapide. Pour d'autres, il est un dieu solaire et représente l'Aurore. A d'autres il a semblé personnifier les crépuscules matinal et vespéral et surtout le second. A ce titre on lui a assigné des origines hindoues. Creuzer et Guigniaut l'avaient assimilé déjà à Brahma, Nareda et Bouddha. Mais l'école linguistique l'a surtout identifié avec un Sarameya, dieu crépusculaire, voleur des vaches d'Indra, c'est-à-dire des nuages. Une étude plus attentive des Védas a montré que les deux sarameyas sont des chiens de Yama et ne sont pas les voleurs des vaches célestes retrouvées par leur mère Sarama. S'il reste une analogie, elle est fugitive, si bien que M. Bérard croit le dieu plutôt phénicien d'origine. Les navigateurs de cette race, ayant pénétré jusqu'en Arcadie, y auraient laissé aux habitants la notion d'une divinité ternaire, dont le troisième terme, le dieu fils, était lui-même une triade ; selon l'empereur Julien, Monimos, qui figure dans cette trinité, n'est, autre qu'Hermès. Tout au moins les manières d'être et attributs du dieu phénicien ont pu être mêlés par les Arcadiens avec ceux d'une de leurs divinités. D'autre part, la pierre levée, le bétyle ou la colonne carrée, qui souvent en Grèce ne fait qu'un avec la figure d'Hermès, représente chez les Phéniciens l'envoyé ou l'ange d'Askartè, de Baal ou d'Élohim.

 

Hermes Mercure GoltziusHermes Mercure w

 

Ce qui est vrai, c'est que, comme l'avaient senti déjà les anciens, la personnalité mythique d'Hermès a eu des origines multiples. Une d'entre elles est déterminée avec certitude. Contaminé ou non d'un culte phénicien, Hermès est un très ancien dieu des Pélasges d'Arcadie. Sa grotte natale est sur les pentes du Cyllène, où l'eau ruisselle, et ce souvenir local le suit dans toutes ses métamorphoses. II est probable qu'il a été le grand dieu. unique ou suprême, du plateau arcadien. Comme l'élevage y était la seule ressource, il était donc là le δώτωρ ἑάων, l'enrichisseur, celui par qui les pâtres voyaient leurs troupeaux pulluler.

 

Il représentait leur conception vague de la vigueur génératrice, le phénomène divinisé de la reproduction animale. Il était père ou frère de Pan, le dieu-pâtre qui symbolise comme lui la fécondation universelle. Il a été pâtre lui-même, et protecteur fidèle des maîtres de grands troupeaux. Il en a gardé, même après les métamorphoses les plus complètes, ie nom d'Ἀγροτῆρ et Νόμιος (dieu champêtre et du pâturage). Comme le Dionysos originaire, il prend ses ébats avec les primitives nymphes des fourrés et des eaux vives, qui représentent les poussées de la sève animale et végétale. Chez Dionysos, le caractère arborescent se développera presque exclusivement, mais il y a eu un temps où Hermès, parfois représenté avec une gerbe d'épis, a été à peu près semblable à lui. Pendant toute une période les simulacres de l'un et l'autre ont été à peine distincts ; sans le caducée du second, on les eût confondus ; tous deux personnifiaient la luxuriance féconde de la nature.

 

Hermes Mercure Mercury Rubens Argus

 

L'hymne homérique consacré à Hermès roule tout entier sur son excessive passion du bétail et, à l'origine des représentations artistiques, nous le trouvons non seulement avec l'aspect d'un berger, mais sous la forme d'un bouc (dont il use dans les légendes pour assaillir Pénélope) ou assis sur un bouc. Et nous aurons à étudier une série de monuments où, sans que cet attribut s'explique par rien d'autre, un bouc, un veau, une brebis sont placés dans ses bras ou sur ses épaules. Enfin ses caractères sont aussi mêlés avec ceux d'Eros, et nous savons qu'aux temps très anciens il était figuré sous la forme significative d'un simple phallus. Là est l'origine des stèles tétragoniques spécialement appelées des hermès qui sont restées phalliques et même ityphalliques comme était le dieu symbolisé par elles. Avant qu'un phallus de ce genre le représentât dans le temple même de Cyllène, on en voyait un grand nombre au bord des routes, aux croisements des chemins. Hérodote nous apprend que ce sont les Pélasges qui ont commencé à honorer de la sorte Hermès, dieu des routes, secours des voyageurs, et peut-être protecteur des limites. « Il ne faut pas, dit encore un pâtre de Théocrite, offenser Hermès, celui des dieux qui s'irrite le plus si on repousse le voyageur en peine de savoir sa route. » Ces simulacres indicateurs des sentiers ont été souvent formés simplement d'amas coniques de pierres apportées une à une par les passants dévots au dieu des voyageurs. L'Hermès originaire est donc à la fois un principe fécondateur et un poteau sacré de direction dans les sentiers. II est bien vrai que tous les renseignements là-dessus datent au plus tôt des temps homériques ; mais le fait que la plupart se rapportent à l'Arcadie les recule très loin dans le passé. On sait que, par une fortune unique dans la Hellade, les Pélasges d'Arcadie sont demeurés à l'abri de toute invasion, gardant intacts leurs cultes et leurs coutumes.

Hermès dans la poésie homérique

(...)l'Hermès de l'Iliade est un dieu vivace et ingénieux, alerte et hardi compagnon. Dans une aventure dont la conception est très antérieure à l'Iliade, Arès capturé par deux geôliers était très mal en point quand Hermès prévenu l'a subtilement dégagé. Dans le chant de beaucoup le plus récent du poème il est, sinon messager habituel de Zeus, du moins chargé par lui de veiller à la sûreté, à la dignité de Priam. Quand le vieux roi vient seul la nuit avec des présents à la tente d'Achille et en ramène le cadavre de son fils, Hermès, sans se faire connaître d'abord, conduit son char qu'il rattelle lui-même pour le départ ; il endort les Grecs qui pourraient s'opposer à sa pénible démarche. Son plus grand plaisir est de se faire le compagnon des humains, de deviner les voeux de ceux qui lui plaisent. Un beau sceptre ouvré par Héphaistos lui est offert par Zeus ; en dieu ami des hommes, il le donne à Pélops. C'est seulement dans l'Odyssée qu'il devient proprement coureur et messager de Zeus, tandis qu'Iris remplissait cet office dans l'Iliade. Il est remarquable que d'un poème à l'autre son rôle s'étend et celui d'Iris diminue jusqu'à disparaître. Son intervention auprès des mortels est de plus en plus provoquée par les autres Olympiens. C'est pour leur compte qu'il avertit Égisthe de renoncer à ses criminels desseins, détourne Calypso de garder plus longtemps Ulysse, prémunit ce héros contre la magie de Circé, assiste Héraclès combattant Cerbère. Telle de ses missions est un service obligé dont il se plaint comme étant des plus rebutants. (...)

Hermès des temps homériques à l'époque des tragiques

Ce n'est pas dans les poèmes homériques, mais seulement dans la théogonie hésiodique, qui classe et systématise les fonctions divines, qu'Hermès, d'abord envoyé extraordinaire de Zeus, est devenu héraut régulier de l'assemblée des dieux, et comme préposé au protocole olympien. C'est cette seconde physionomie du dieu que, pendant longtemps, peintres et sculpteurs reproduiront avec une prédilection marquée. Les poètes l'envisageront plutôt comme messager et le doteront de tous les dons qui conviennent à un dieu placé près des autres dans une situation secondaire, auxiliaire de leurs diverses puissances, prêtant à des services accessoires une activité ingénieuse et empressée. Même Aristophane se moquera plus tard, avec une mauvaise foi plaisante, de ces aptitudes et fonctions si diverses qui s'entrecroisent et se combinent, sauf à se contredire parfois. (...)

 

A Rome et en Italie

 

Mercurius est un nom formé de la même racine que merx marchandise, merces salaire, mercari trafiquer, etc. Cette étymologie transparente nous livre la seule notion claire et certaine que nous ayons de la première histoire du dieu à Rome : il était comme Pecunia, Aescularius, Argentinus, favorable ou contraire au gain des marchands. Il figure dans les premières listes que nous avons des douze grands dieux, mais nous savons qu'il était absent des Indigitamenta. Est-il néanmoins de création romaine, antérieur à tout apport hellénique ? C'est très probable, étant donnée l'habitude latine de faire des divinités avec des noms tirés des actes les plus ordinaires de la vie. Mais Rome à l'origine n'était nullement une cité commerçante : les progrès du dieu ont dû attendre ceux du négoce. Au début du Ve siècle, les uns et les autres étaient déjà très avancés au témoignage de Tite-Live : la Cité inaugurait un temple de Mercure ; Ies deux consuls se disputaient l'honneur d'en faire la dédicace, et de donner des statuts à l'association des marchands. Le Sénat chargeait d'avance celui qui remplirait ces deux offices de veiller aussi à l'approvisionnement de Rome en blé (annona). Nous voyons que vers la même époque cette denrée manquait et qu'on en faisait, pour parer à la disette, de grosses importations d'Étrurie et du sud de l'Italie, Il semble donc que le commerce du blé soit celui qui a donné de l'extension à la confrérie des marchands et développé l'importance de leur dieu. Les Romains ont pu croire que les conseils des livres sibyllins le leur recommandaient. Quant à l'influence de l'Étrurie, qui a donné à Rome beaucoup de ses institutions religieuses, pour ce qui concerne les tout premiers débuts de celle-ci, elle est possible, mais non pas historiquement prouvée. Mercurius a pu sortir directement, comme un rejeton naturel, d'une racine de la langue parlée par les peuples du Latium et on ne voit pas, chez les anciens Étrusques, de dieu semblable remontant aux premiers temps, bien que leur commerce ait de beaucoup précédé celui des Romains. Mais il est bien certain qu'ils ont eu connaissance, ne fût-ce que par les vases peints venus d'Attique, de l'Hermès grec si populaire au Ve siècle. Au courant ou à la fin de ce siècle, par des ἔμποροι, importateurs venant de Grèce, ils ont pu apprendre qu'entre autres attributions de ce dieu, président des trafics, ressemblait fort à la notion du dieu romain de la vente et de l'achat. C'est eux sans doute qui, sans adopter spécialement pour eux-mêmes cette divinité d'Athènes, en ont transmis la connaissance à leurs voisins. C'était pour donner à ceux-ci une révérence plus grande du dieu analogue, qui leur était déjà familier. Quant à sa représentation figurée, il est incontestable qu'elle passe, par l'intermédiaire des Étrusques, de Grèce à Rome. C'est sur les monnaies que ce type emprunté s'est produit d'abord, comme c'est par le syndicat des marchands romains que le culte a été répandu et indéfiniment propagé. (...)

 

Hermes Mercure Mercury argus Io Campen

Culte de Mercure à Rome

L'ancien temple dédié en 495 est le seul sur lequel nous ayons des renseignements précis. A défaut des deux consuls récusés l'un et l'autre par le peuple, un centurion primipilaire remplit le rôle de pontife pour cette cérémonie. Ce temple était sur les dernières pentes de l'Aventin, faisant face au Circus maximus. Il était circulaire, comme ceux de Vesta, si c'est bien une restauration identique de ce temple que présente une monnaie de Marc-Aurèle. On a encore retrouvé de vagues restes. D'autres sanctuaires dont nous entrevoyons l'existence étaient peut-être de simples chapelles. Il est possible que chaque rue un peu marchande ait eu la sienne où le dieu recevait un surnom particulier. C'est ainsi qu'on l'appelait malevolus dans un emplacement où il se trouvait tourner le dos aux boutiques; sobrius dans un autre où il n'y avait pas de tavernes (à moins que ce ne fût parce que là on lui offrait des libations non de vin, mais de lait). La consécration du temple de l'Aventin avait eu lieu aux ides de mai. C'est en raison de ce fait que les marchands célébraient Mercure à cette date. C'est peut-être pour la même raison que l'on s'avisa de le faire fils de Maia, ce qui lui créait une analogie fortuite mais frappante avec l'Hermès grec. Quoi qu'il en soit, on consacra le temple à Maia, et Mercure qui, dit-on, avaient déjà un culte commun en quelque autre point du Latium. Mercure a été dès l'origine un dieu de confrérie : les marchands, les revendeurs, les changeurs formèrent sa clientèle première qui s'accrut non seulement de campagnards et d'artisans, tels que les pêcheurs, mais, comme on le verra, d'hommes appartenant à des catégories sociales très diverses. Des dénominations symbolisant des pouvoirs très étendus lui seront attribuées, mais celles de Lucri conservator, potens, repertor, Negotiator ou Nundinator, dieu du marché, l'ont été avec une persistance toute particulière. (...)

Mercure transalpin

Les provinces paraissent, dès le 1er siècle avant l'ère chrétienne, avoir connu et rapidement adopté cette conception religieuse. Toutefois l'enthousiasme ne fut pas le même partout. Si les traces d'un culte de Mercure sont très nombreuses dans la région du haut Danube et du Rhin, dans la Narbonaise, dans la Gaule centrale, elles le sont moins en Espagne et en Afrique et elles sont fort rares dans la partie orientale de l'Empire qui, au reste, avait gardé la tradition altérée mais ininterrompue d'Hermès. Le Mercure italien a circulé surtout au delà des Alpes. César et Tacite le trouvent l'un chez les Gaulois, l'autre chez les Germains, constatations qui n'en font guère qu'une, si on songe que Tacite a connu surtout les parties de la Germanie voisines du Rhin. « Ce dieu, disent-ils l'un et l'autre, est chez ces peuples le premier en importance.» Nul doute que Mercurius n'y soit la dénomination nouvelle et la transformation d'un dieu barbare des régions gauloise et germaine. Mais la transfusion était chose faite et achevée dès l'époque où César a connu la Gaule, au moins pour la partie qu'il en a connue.

Nous avons un grand nombre de noms de dieux gaulois et de surnoms de Mercure gallo-romains entre lesquels il n'est pas aisé de reconnaître l'ancien Mercure, d'autant que cet ancêtre n'a pas été nécessairement le même dans toutes les civitates. Sans parler de Teutatès, nous pouvons croire que Dumias, Moccus, Arcecius, Alaunus, Cissonius, Tourenus, Atusmerios Arvernus, Visucius, etc. sont des surnoms gallo-romains du dieu. D'autre part, Lucien nous fait connaître un Ogmios, dieu gaulois fort étrange, vieillard disgracieux et trapu, éloquent et savant, et l'étude des textes gaéliques a révélé l'existence d'un dieu Lug dont le culte aurait été fort répandu, rien qu'à en juger par le nombre de noms de lieux qui paraissent formés de cette racine. Or il faut bien que le prédécesseur de Mercure ait été, plus ou moins, un dieu panceltique et un dieu des arts pacifiques. « Les Gaulois ne seraient pas arrivés à la conception ou à l'acceptation d'une divinité générale et à forme de Mercure, si leurs croyances nationales ne les y avaient point prédisposés. » Ces exigences se trouvent toutes satisfaites par diverses observations sur les noms et types divers ci-dessus indiqués. L'érudition celtique a reconnu que Visucius vient d'un mot qui veut dire savant et n'est pas différent d'Ogmios. D'autre part, le batailleur Ogmios, qui devient protecteur de la paix, se laisse identifier avec Lug qui semble bien être le grand dieu Arverne. Lug, « prince aux sciences multiples », a commencé par combattre et vaincre le dieu malfaisant Cernunnos, et lui arracher sa corne. Il lui a pris sa compagne Rosmerta et l'a faite sienne. Puis il est devenu pacifique et, du temple que les Arvernes lui ont bâti sur le Puy de Dôme il a rayonné plus ou moins dans toutes les directions où s'étendaient la race celtique et vers quelques rameaux germaniques. C'est à lui (et sans doute aussi à quelques dieux locaux qui lui ressemblaient) que les gens venus de Rome ont aisément fait accepter le nom de leur Mercure. Une autre théorie, hypothétique comme la précédente, veut que Teutatès lui-même, dieu d'État, dieu de la vie guerrière, soit devenu le dieu apaisé qui se prêtait à l'identification avec le porteur du caducée. Il aurait laissé derrière lui une hypostase, une dépouille divine à laquelle convenait le nom de Mars et qui l'a reçu. L'une ou l'autre hypothèse sont vraisemblables dans leur ensemble. Des populations qui ont passé de l'expansion guerrière et de l'offensive continuelle à l'acceptation des civilisations voisines ont dû avoir toujours un dieu principal façonné à leur image, sauvage d'abord et ensuite humanisé, soit qu'il y ait eu transformation ou subtitution du vainqueur pacifique au farouche vaincu. Le texte de César sur le Mercure celte est remarquable en ce qu'il énonce seulement en troisième lieu la qualification qui convient au dieu mercantile de Rome : ad quaestus pecuniae mercaturasque...,vis maxima. Il a tout d'abord remarqué dans le dieu gaulois « un inventeur de tous les arts et un créateur des voies de communication », c'est-à-dire la conception alexandrine et hellénique. Ce n'est pas le seul indice que la transformation du Lug ou du Teutatès adouci adû se faire premièrement par des influences grecques et égyptiennes plutôt qu'italiennes. S. Reinach a montré comment, par la mer, par la Province et par le commerce, dès longtemps ces influences pénétraient peu à peu. Le type figuré qui provient d'Alexandrie, avec la plume d'ibis ou la feuille de lotus, nous sera offert fort exactement par certaines statuettes dites gallo-romaines.

Une preuve plus frappante encore de la docilité avec laquelle les Gaulois ont fini par accepter sous leur aspect classique les dieux des civilisations hellénisées, est fournie par l'autel de Reims où, de chaque côté d'un dieu barbare, aux formes étranges, accroupi et faisant tomber des graines d'un sac qu'il tient contre lui, on voit deux divinités à la figure régulière et douce : ce sont tout à fait les types gréco-romains d'Apollon à gauche, de Mercure à droite.

 

En conséquence, le nom romain a été universellement imposé au dieu gaulois ; c'est à celui-ci qu'appartenaient plusieurs des épithètes latines qui nous ont semblé étendre les pouvoirs du dieu des marchands. Les inscriptions de ce genre sont sorties du sol par centaines en France et dans la région rhénane. Elles attestent de très nombreux sanctuaires du dieu et de sa parèdre Rosmerta, sans doute confondue avec Maia. A certains d'entre eux appartenaient de véritables trésors d'ex-voto en orfèvrerie artistique, comme celui des soixante-dix objets en argent offerts près de Bernay en Normandie, à Mercurius Canetonensis, dans un petit temple détruit dans le cours du IIIe siècle, comme l'a été le grand sanctuaire du Puy de Dôme par une invasion d'Alamans. Quant aux statuettes du dieu lui-même, celles qui sont en pierre et qui perpétuent le souvenir de la vieille divinité celtique sous sa forme rude et sauvage sont assez peu nombreuses. Mais le nombre considérable, et qui s'accroit toujours, des bronzes atteste la popularité du Mercure gallo-romain. Exceptionnellement; ils représentent en la rajeunissant une figure très antique du dieu, celle par exemple qui lui attribuait trois ou quatre têtes. Même ceux dont le style grossier dénote un artisan indigène, représentent le type romain avec la bourse et plusieurs animaux maladroitement figurés, par exemple une statuette toute réaliste de la région rhénane où le dieu, figuré d'ailleurs à la grecque, a les proportions faussées et une expression idiote, et d'autres où il est nu aussi, mais barbu. C'est un artiste gaulois qui, sans traditions et sans principes, s'est attaqué à l'imitation d'un modèle venu du dehors. Le travail soigné de quelques autres bronzes dénote un artiste formé dans les ateliers gréco-romains. Parmi ceux-ci, notons le Mercure de Saint-Bévérien, qui a la grande plume ou feuille entre les deux ailerons et une sandale au pied gauche seulement (vieille coutume que les Pélasges Étoliens avaient adoptée pour être plus vites à la course). On connaît plusieurs répliques de ce type égyptien. Parmi ces bronzes il en est qui reproduisent visiblement d'aussi près que possible le type de Praxitèle. Dans les figurines grossières comme dans celles de Travail soigné, à côté du type debout qui est de beaucoup le plus fréquent, on trouve le type assis (nu, la bourse à la main, les ailerons sortant des cheveux) qui paraît avoir été celui du Mercure colossal sculpté par Zénodore sous Néron pour le grand temple panceltique du Puy de Dôme.

En somme, Mercure est devenu en Gaule un dieu commercial parce qu'il l'était à Rome, mais sa conception antérieure était celle d'un dieu savant et bienfaisant. Elle a été quelque peu façonnnée par des influences hellénistiques et alexandrines et, même dans le type artistique romain du Ier siècle, ces influences ont laissé certaines traces."

 

Rédigé par rafael

Publié dans #MYTHOLOGIE GRECQUE et ROMAINE

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