Goethe - A Werther
Publié le 19 Juillet 2010
Johann Wolfgang von Goethe, né le 28 août 1749 à Francfort et mort le 22 mars 1832 à Weimar, est un poète, romancier, dramaturge, théoricien de l'art et homme d'État allemand, fortement intéressé par les sciences, notamment l'optique, la géologie et la botanique, et grand administrateur.
À WERTHER | |
Tu te risques donc, ombre tant pleurée, Une fois encore à la lumière du jour, Tu viens à moi par ces prés fleuris à neuf Sans du tout redouter mon regard. Il semble que tu vives dans le matin Quand la rosée nous rafraîchit sur le même champ Et aussi, après la morne fatigue du jour, Quand nous enchante le dernier rayon du soleil ; Rester fut mon lot, partir était le tien, Tu pris les devants — et tu n'as pas beaucoup perdu.
La vie de l'homme semble un sort magnifique : Que le jour est aimable, que la nuit est grande ! Et nous, plantés au milieu du terrestre Paradis, Jouissons à peine du soleil haut et auguste Que sitôt de troubles tentations nous affrontent À nous-mêmes tantôt, et tantôt à ce qui nous entoure ; Aucun des deux n'est par l'autre comblé à souhait, Le monde est obscur, quand notre être resplendit, La splendeur de ce qui est m'est volée par le trouble de ma vue, C'est là tout près — et l'on ne reconnaît pas le bonheur.
Parfois nous croyons le connaître ! Avec force Nous ravit en un charme d'amour la féminine forme : Le jeune homme, heureux comme en la fleur de l'enfance, S'avance dans le printemps — printemps lui-même —, Ébloui, étonné, qui donc lui tourne ainsi la tête ? Il regarde autour de lui, le monde lui appartient. Une hâte naïve l'emporte vers les lointains, Rien ne le limite, ni mur, ni palais ; Comme une bande d'oiseaux effleure les cimes, Il plane lui aussi qui vague autour de la Bien-Aimée, Il cherche du haut du ciel, qu'il laisserait volontiers, Le regard fidèle qui le retiendra fermement.
Mais trop tôt averti d'abord, puis trop tard, Il se sent arrêté en son vol, il se sent pris, Le Revoir est heureux, l'adieu cruel, Une Nouvelle Rencontre le réjouit plus encore, Et des années sont en un instant compensées ; Mais sournoisement guette l'ultime adieu.
Tu souris, mon ami, avec sentiment, comme il sied : Un horrible adieu fit ta renommée ; Nous avons célébré ton lamentable sort Et tu nous as laissé à la plénitude et à la souffrance ; Depuis, la voie incertaine des passions Nous attira encore en son labyrinthe ; Et nous allons, enchaîné à une détresse répétée, Vers l'adieu suprême — l'adieu qui est la mort ! Comme c'est émouvant quand le poète chante Pour écarter la mort que l'adieu porte en lui ! Empêtré dans de tels tourments, à demi coupable, Qu'un dieu lui donne de dire ce qu'il endure. |
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