Enée
Publié le 3 Janvier 2013
Enée fuyant Troie Barocci 1598
" Héros troyen, fils d'Anchise, roi des Dardaniens, et d'Aphrodite. Il faut distinguer à son sujet trois ordres de traditions.
Traditions homériques
Elles comprennent ce qui est dit d'Enée dans l'Iliade et dans l'Hymne à Vénus. Homère fait naître Enée sur le mont Ida, où l'hymne homérique nous dépeint les amours du roi pasteur Anchise avec la déesse Aphrodite. D'après la tradition suivie dans l'Iliade, Enée fut élevé dans la maison d'Alcathoüs, mari de sa soeur Hippodamie. D'après l'hymne à Aphrodite, les nymphes de l'Ida furent chargées de son éducation jusqu'à ce qu'il eût atteint l'âge de puberté. Pasteur sur l'Ida comme son père, Enée fut un jour attaqué par Achille et dut fuir devant lui, tandis que le héros grec emmenait ses boeufs et les chassait jusqu'à Lyrnesse. Quoique parent des princes troyens, il n'avait pris d'abord aucune part à la guerre. Il vint cependant à Troie et y combattit à la tête d'une troupe de Dardaniens. Il y fut en butte à la jalousie de Priam, qui ne lui rendit aucun honneur ; mais le peuple l'honora comme un dieu. Enée est l'Achille des Troyens. Comme Achille, il est né d'un mortel et d'une déesse ; comme lui, il est rapide à la course, comme lui, il a des coursiers de race divine pour le conduire au combat. Enée est un objet de jalousie pour Priam comme Achille pour Agamemnon. Enée combattit contre Diomède, qui le blessa d'un coup de pierre ; il fut secouru dans son danger par sa mère Aphrodite, qui le couvrit de son manteau et l'emporta de la mêlée. Plus tard, il se mesura avec Achille lui-même en combat singulier. Cette fois encore il fut sauvé par une intervention divine : ce fut Poseidon qui vint à son secours et qui lui conserva la vie, parce que la postérité d'Enée devait, par l'ordre du Destin, remplacer sur le trône la race condamnée de Priam. Homère fait d'Enée un favori des dieux, un héros prédestiné ; mais il ne fait aucune allusion à son émigration ; au contraire, il regarde ses descendants comme appelés à régner sur la Troade.
Enée Venus lui montrant ses armes Poussin 1639
Traditions post-homériques
Apollodore donne à Enée un frère du nom de Lyrus, né comme lui des amours d'Anchise avec la déesse de la beauté. Sa femme est appelée Eurydice par Leschès et par le poète Cyprien. D'autres la nomment Créuse et la croient fille de Priam et d'Hécube. Dans la tradition grecque, Créuse fut faite captive par les Grecs, puis délivrée par la mère des dieux et par Aphrodite. Suivant les Cypriaques, Enée, sur l'ordre d'Aphrodite, avait accompagné en Laconie Paris, qui s'y rendait pour enlever Hélène. Sa valeur à la guerre est attestée par Hygin, qui lui attribue d'avoir tué de sa main vingt-huit ennemis ; Hector seul, parmi les Troyens, en avait tué davantage. On diffère sur ce qu'il fit lors de la catastrophe qui mit fin au royaume de Priam. Si l'on en croit Arctinus, dans son poème de la Destruction de Troie, Enée, épouvanté de la mort tragique de Laocoon et de ses fils, se serait réfugié sur l'Ida avec ses compagnons. D'après une version, unique d'ailleurs, il aurait livré Ilion aux Grecs, de concert avec Anténor. Selon d'autres auteurs, loin de trahir ou d'abandonner la ville, il se retrancha dans la citadelle, s'y défendit vaillamment et obtint pour lui et les siens une capitulation honorable. D'après Leschès, dans la Petite Iliade, Enée, fait prisonnier par les Grecs, fut donné à Néoptolème, fils d'Achille, et emmené par lui sur la flotte grecque, où il devint le compagnon d'esclavage d'Andromaque, la veuve d'Hector. Ceux qui veulent qu'il se soit défendu et qu'il ait obtenu, par une capitulation, la liberté pour lui et les siens, ajoutent un trait qui a valu à Enée son grand renom de piété. Ils disent que les Grecs lui permirent, de même qu'à ses compagnons, d'emporter ce qu'ils voudraient de leurs biens : les autres se chargèrent d'or et d'effets précieux ; pour Enée, il prit son père vieux et infirme, qu'il chargea sur ses épaules, et avec son père ses dieux, à la grande admiration des Grecs. Tandis que d'après une tradition fort ancienne, Enée aurait fondé dans le même pays un nouveau royaume avec les débris du peuple troyen, de nombreuses légendes, qu'il n'est pas possible de toutes rapporter ici, le font errer avec ses compagnons dans différentes contrées : en Macédoine, où une ville d'Aineia le reconnaissait pour son fondateur et célébrait chaque année un sacrifice en son honneur ; en Laconie, où il fonde également deux villes, pendant qu'Anchise va mourir en Arcadie, où, du temps de Pausanias, on montrait encore son tombeau au pied du mont Anchisius. L'une de ces villes fondées par Enée s'appelait Aphrodisias, du nom de sa mère ; l'autre Etis, du nom d'une fille que mentionne Pausanias et dont il ne dit rien de plus. Près du mont Anchisius était un temple d'Aphrodite. Son séjour en beaucoup d'autres lieux, sur la côte orientale de l'Adriatique, en Sicile, et ailleurs, était attesté pour les anciens par des légendes et des usages locaux, particulièrement par des temples et des cérémonies en l'honneur de sa mère Aphrodite, par les temples qui lui étaient consacrés à lui-même, par son tombeau qu'on montrait en maint endroit.
Stésichore (643-560 av. J.-C.) passe pour le plus ancien auteur grec qui ait fait voyager Enée vers l'Hespérie (Italie). Après lui, Aristote et Callias parlèrent de l'origine troyenne du Latium ; mais ce fut Timée, historien contemporain de Pyrrhus, qui raconta le premier la légende d'Enée telle que nous l'a transmise la tradition latine. La puissance des Romains fit prévaloir la tradition à laquelle ils rattachaient leur origine ; Pausanias ne doutait pas que le PALLADIUM, cette statue fatale dont dépendait la fortune d'Ilion, n'eût été porté en Italie.
Enée et Anchise Lionello Spada 1615
Traditions virgiliennes
Parmi les auteurs latins, Naevius, Ennius, Caton dans ses Origines, Fabius Pictor, Cicéron dans ses Verrines, ont adopté cette légende d'Enée en Italie. La gens Julia reconnaissait Enée pour son auteur. Le sénat romain avait lui-même consacré cette tradition, l'an 282 avant J.-C., en reconnaissant des frères dans les habitants d'Ilion. Virgile, à son tour, s'en empare pour en faire l'épopée nationale des Romains. Il traduit, en la modifiant, la prophétie homérique sur la grandeur future des Enéades. Il n'a garde de négliger, dans les traditions postérieures, la piété d'Enée, mais il en fait, au contraire, le trait dominant de son héros (pius Aeneas). Dans l'Enéide, après avoir défendu contre les Grecs jusqu'à la fin Troie embrasée, Priam étant mort, le pieux Enée charge Anchise sur ses épaules, lui confie ses Pénates, et quitte la ville avec sa femme Créuse et Ascagne son fils. On sait comment il perdit sa femme en chemin : dans un poème d'Ovide, Didon le lui reproche comme un abandon volontaire. Parti d'Antandros avec vingt vaisseaux, Enée bâtit d'abord une ville en Thrace et lui donne son nom ; il va ensuite à Délos consulter Apollon. L'obscurité de l'oracle lui fait croire que le dieu l'envoie s'établir en Crète : il s'y rend et tente d'y fonder une ville, mais il est arrêté dans son entreprise par une épidémie. Un nouvel oracle, qui lui vient cette fois de ses Pénates, lui indique clairement l'Hespérie comme le but de son voyage. Après une navigation longue et périlleuse, Enée aborde en Sicile au pied de l'Etna. Anchise meurt à Drépane. Comme il cherche à gagner l'Italie, Enée est jeté par une tempête sur la côte d'Afrique. Ici se place le fameux épisode de Didon. Le héros, après s'être oublié quelque temps, quitte furtivement Carthage et reprend, non sponte, sa route vers l'Italie. Il aborde encore une fois en Sicile et va célébrer des jeux funèbres sur le tombeau de son père, dans un pays habité par une colonie troyenne, littora fida fraterna. Ce tombeau d'Anchise est placé par le poète latin au pied du mont Eryx, fameux, comme on l'a vu plus haut, par son sanctuaire d'Aphrodite, dont Pausanias indique la place au pied du mont Anchisius, non loin d'un temple de la même divinité.
Enée et Didon François de Troy 1704
Suivant Virgile, ce fut Enée lui-même qui bâtit sur le mont Eryx ce temple à sa mère. L'incendie des vaisseaux par les femmes troyennes, lasses d'une trop longue navigation, peut montrer comment le poète latin savait s'approprier, en les transformant, les traditions différentes de celle qu'il avait adoptée. En effet, cet incendie est emprunté à une tradition sur la fondation de Rome qu'on peut lire dans Plutarque (Romul, 1). Averti par Anchise, qui lui est apparu en songe, Enée laisse en Sicile les femmes et ses compagnons les moins hardis et se dirige vers l'Italie avec une élite virile. Il aborde à Cumes, visite l'antre de la sibylle, et, conduit par elle, va chercher aux enfers de nouveaux oracles. Enfin, après sept ans de navigation et d'aventures, il aborde aux rivages du Tibre, où Latinus l'accueille et lui donne en mariage sa fille Lavinia. Turnus, roi des Rutules, amant déçu de Lavinia, fait à son rival une guerre acharnée, qui se termine par un combat singulier entre le chef étrusque et le héros troyen. Ainsi finit l'Enéide. - La tradition suivie par Ovide est la même, à quelques détails près, que celle de Virgile. Le poète des Métamorphoses complète le récit de 1'Enéide par la disparition mystérieuse d'Enée, noyé dans le Numicius pendant la bataille, et par l'apothéose du héros dont la vertu avait fini par désarmer Junon, son implacable persécutrice. Un temple lui est élevé sur le Numicius, et il est honoré sous le nom de Jupiter indiges.
Didon recevant Enee et Cupidon Solimena Francesco
Il est intéressant d'étudier avec Klausen, Schwegler, Preller et les autres savants qui ont approfondi ces origines la formation de la légende romaine d'Enée. Cette légende contenait un élément religieux qui contribua beaucoup à sa propagation. Il s'agit du culte d'Aphrodite Aineias (c'est-à-dire favorable) répandu sur tous les rivages grecs de la Méditerranée, et précisément sur la route qu'Enée était censé avoir suivie pour venir de Troie dans le Latium. Cette Aphrodite troyenne et asiatique, dont le nom même indique l'étroite parenté avec Enée, était une déesse marine de la navigation ; il n'est pas étonnant de la voir honorée dans les ports de mer où divers auteurs nous signalent son culte. On trouve ses sanctuaires, d'abord sur le golfe salonique, puis sur toute la côte qui va de Zante à Corfou ; et c'est toujours Enée à qui l'on en attribue la fondation. C'est lui encore, ou du moins c'est une colonie troyenne, qui avait élevé le temple d'Aphrodite Erycine, dans une troisième région où Virgile ne manque pas de le conduire. Les traditions du culte latin de Vénus se rattachaient d'une manière étroite à Ségeste et au mont Eryx, et, d'autre part, l'Aphrodite Erycine était en relation avec une Aphrodite carthaginoise. Telles sont les véritables sources de la légende d'Enée. Rome avait cherché d'abord son fondateur entre divers héros, ancêtres supposés des colonies grecques établies sur les rivages de l'Italie n. Mais la fable énéenne remporta bientôt sur les autres traditions, vague et flottante d'abord, puis de plus en plus précise et arrêtée. Pour Naevius et Ennius, Enée était le père d'Ilia, mère de Romulus. Preller pense que cette légende antihellénique et antipunique a dû commencer à s'accréditer dans Rome pendant la guerre de Pyrrhus et la lutte avec Carthage. Adoptée, comme nous l'avons dit, par les écrivains romains qui la fixèrent peu à peu, Virgile la prit de leurs mains pour la marquer du sceau de son génie, en faire le centre de toutes les traditions sur les origines de Rome, le résumé vivant, savant et poétique de son histoire primitive.
Le caractère sacré dont Virgile a revêtu son héros a été mis en relief par M. Fustel de Coulanges. Ce n'est pas un simple héros ; c'est un pontife, c'est le penatiger, le fondateur saint d'un culte et d'un empire. Les Romains le comprirent ainsi : ils lui attribuaient l'usage observé parmi eux de sacrifier aux dieux la tête couverte. Il fut même dieu. Une identification se fit entre le héros troyen qui avait porté dans le Latium les dieux d'Ilion et le dieu principal de la confédération latine, le Pater indiges dont le culte était en relation intime avec celui des Pénates. Le centre de ce culte était à Lavinium et aux bords du Numicius ; de là sa confusion avec le culte d'Enée disparu mystérieusement sur les mêmes rives. "
Aeneas - Daremberg et Saglio (1877)
Mycènes - Le Trésor d'Atrée - LANKAART
Mycènes est une cité antique préhellénique située sur une colline au nord-est de la plaine d'Argos, dans le Péloponnèse, et entourée de murs cyclopéens (assemblage de blocs énormes). On a...
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