Delacroix - Massacres de Scio
Publié le 27 Août 2013
Musée du Louvre, Paris. 1824.
Dans ce tableau Delacroix se démarque de la peinture d’histoire telle que David ou Gros la concevaient encore : la scène s’articule autour de deux groupes qui s’opposent, l’un à gauche, ramassé sur lui-même, l’autre à droite, subissant la violence du rapt. Il ne montre ni le moment de la bataille ni celui de la victoire, mais les conséquences d’une politique de domination : toute une population réduite en esclavage. Ce parti audacieux met l’accent sur le pathétique, sur la volonté d’exprimer la souffrance humaine, en somme sur une interprétation subjective des témoignages et récits sur cette guerre.
« Ces horribles scènes, rapporte Théophile Gautier, cette couleur violente, cette furie de brosse, soulevaient l’indignation des classiques dont la perruque frémissait […] et enthousiasmaient les jeunes peintres » : la toile, au Salon de 1824, conforta la querelle du romantisme. Elle peut aussi être interprétée comme un geste politique dans cette France où des comités philhellènes se constituent pour demander aux gouvernements d’intervenir et de mettre fin à l’oppression. Ce sera chose faite en 1827, et l’indépendance grecque sera enfin reconnue en 1830.
Deux grandes masses se répondent : le groupe des Grecs hagards et meurtris à gauche, le fougueux cavalier Turc à droite, seul rappel immédiat de l’action militaire – des combats se déroulent encore au second plan, dans le vaste paysage coloré. Delacroix dispose au premier plan des personnages prostrés et insiste sur leur résignation. Ces hommes et ces femmes, seuls ou par groupes de deux, sont isolés dans leur souffrance ou dans l’attente. Nul détail ne laisse entrevoir la possibilité d’une action commune ou d’une intervention salvatrice. La nature aride et la ligne d’horizon élevée accentuent encore le sentiment de fatalité qui pèse sur les vaincus.
Histoire:
La guerre d’indépendance des Grecs contre l’occupant Turc débuta en 1820 et suscita l’enthousiasme des européens progressistes ; nombreux furent ceux qui s’engagèrent aux côtés des Grecs, tel le poète romantique anglais Byron, fort admiré par Delacroix, et qui mourut en 1824 à Missolonghi. Dès le 15 septembre 1821, Delacroix se « propose de faire pour le Salon prochain un tableau dont je prendrai le sujet dans les guerres récentes des Turcs et des Grecs. Je crois que dans les circonstances, si d’ailleurs il y a quelque mérite dans l’exécution, ce sera un moyen de me faire distinguer » (Correspondance, I, p. 132). Toutefois, c’est seulement en mai 1823 qu’il note dans son Journal (I, p. 32) : « Samedi je me suis décidé à faire pour le Salon des Scènes du Massacre de Scio ». En avril 1822 s’étaient déroulés en effet les dramatiques massacres des habitants de l’île de Scio. On dénombra environ vingt mille morts et le reste de la population fut emmené en esclavage.
Source: http://www.louvre.fr
Photos: Lankaart (c)
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