Robert de la Sizeranne - Puvis de Chavannes - 1898.
Publié le 4 Mai 2020
" La composition et la couleur, voilà où il est le Maître, et où l’avenir, nous l’espérons, lui conservera la place glorieuse que les jeunes hommes de ce temps lui ont donnée. Le premier dans notre temps, il a compris que l’art décoratif devait s’accommoder aux conditions d’éclairage, de tonalité, et à l’espace du monument à décorer et qu’ainsi, entre les qualités de la fresque et les qualités du tableau de chevalet, il y avait un départ à faire et des différences à établir. « Si l’artiste qui décore une muraille, disait-il, ne s’accommode pas aux conditions de vie de cette muraille, la muraille le vomira. » En y réfléchissant, il saisit peu à peu ces différences. Il comprit tout d’abord qu’il fallait bannir de la muraille les « trompe-l’œil, » dont la vue fatigue et irrite à la longue, et même les violents effets d’ombre et de lumière qui font des trous et trompent l’œil, en effet, sur le plan et le rôle du mur. Il estima aussi que les scènes destinées à être vues longtemps durant des cérémonies publiques ou des leçons, ou dans la vie de chaque jour, doivent être calmes, paisibles, afin de s’allier également aux sentiments les plus divers, ne pas imposer leur spectacle, mais offrir un refuge à tous les rêves. Donc pas de grandes gesticulations ; pas de mouvements rapides, pas d’équilibres instables. Ne voulant pas faire de trous dans le mur, il ne pouvait détacher des groupes de figures les uns sur les autres, car le relief ne s’exprime pas sans ombres violentes, surtout le relief sur relief. Il ne pouvait les échelonner dans le sens de la profondeur. Donc pas de grappes humaines, pas de figures qui éloignées par les plans se touchent par leurs contours, mais des personnages échelonnés dans le sens horizontal, ou disséminés clairement sur des espaces aux trois quarts vides. Pas de plans se creusant et se rejoignant, mais des pans coupés très visibles allant d’un bout de la toile à l’autre. Une suite de stries horizontales dont chacune indique une profondeur égale partout. Hésitante dans ses premières œuvres : le Travail, la Paix, cette méthode se dégage dans les suivantes : le Bois sacré, s’affirme dans le Ludus pro Patria et dans la Sorbonne. C’est lui qui l’a créée. "
Robert de la Sizeranne, Puvis de Chavannes, 1898.
" En même temps, son paysage atteint la poésie par le sentiment du mystère. Il le donne en supprimant le plus possible du ciel, procédé préraphaélite, et en élevant très haut sa ligne d’horizon, procédé moderniste. Quand on tracera l’évolution du paysage depuis Van de Velde, par exemple, on verra qu’elle s’est faite toujours dans le sens de l’élévation de la ligne d’horizon, et par conséquent par la diminution ou la suppression du ciel. Puvis de Chavannes en fournit un exemple. De plus, il supprime le haut ou le bas des arbres, le commencement ou la fin des choses, ce qui fortifie le sens du mystère. Il donne l’idée de la symétrie et de l’ordre par des alignemens de troncs semblables, de même diamètre, sur le même rang. Les hautes futaies sont régulières et discrètement ornementales. Il donne l’idée de la vie facile et douce. Ses paysages tiennent ou du jardin ou de la plaine fertile. Il n’a pas de nature rebelle. A l’horizon, les bois ou les vallons s’étendent longuement, selon les lignes lentes, muettes et endormies de nos paysages du Nord. Il mêle avec une hardiesse naïve et une finesse rustique des impressions fort diverses. Ainsi, — chose très remarquable, — ses derniers plans sont modernistes et ses premiers plans sont primitifs. Tandis qu’il masse les masses, au loin, il détaille le détail, sous nos yeux : il découpe les unes après les autres des petites fleurs, des genêts, un brin de laurier. Jamais ses arbres n’ont de plans différens. Il esquive les difficultés du feuillage, soit en le massant tout d’un bloc comme dans l’Été, soit en dessinant chaque feuille l’une après l’autre, à la façon des primitifs, comme dans le Bois Sacré ou la Sorbonne. Ainsi il ne met en grappes ni les feuilles, ni les figures. Chaque groupement est disposé sur le même plan, nettement dégagé du groupe suivant ou du précédent. Les longues lignes du fond relient tout ensemble, et tout est fondu et réconcilié par la couleur. "
Robert de la Sizeranne, Puvis de Chavannes, 1898.
"Et l’harmonie est, en dernière analyse, le grand charme de cette œuvre. Cette couleur sourde, atténuée, qui, dans nos Salons. paraissait morte à côté des violentes fanfares de nos romantiques attardés, est la couleur qui convient le mieux à la peinture murale. Il suffît d’aller au Panthéon pour s’en apercevoir. A côté de cette harmonie en rouge pâle et en bleu qui est l’Enfance de sainte Geneviève les peintures si vives des autres décorateurs détonnent. Leur couleur chante brillamment, mais celle de Puvis de Chavannes psalmodie comme il faut dans ce temple. Leurs figures semblent sortir du mur ou s’y enfoncer, ou y avoir été collées par un méchant sorcier et faire des gestes désespérés pour s’enfuir. Les siennes paraissent y être nées et vivre d’une vie semblable à celle du marbre ou de la pierre de taille. Celles-là ont quelque chose de transitoire, d’agité, d’accidentel : celles-ci semblent éternelles. "
Robert de la Sizeranne, Puvis de Chavannes, 1898.
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