Chagall - A la Russie aux ânes et aux autres

Publié le 25 Février 2019

Chagall - A la Russie aux ânes et aux autres

Chagall - A la Russie aux ânes et aux autres

À la Russie, aux ânes et aux autres offre un cortège de références explicites aux cultures juive et russe. Au début de son autobiographie, Mein Leben [Ma Vie] (Berlin, 1923), Chagall relate sa naissance en ces termes : « Ce qui d’abord m’a sauté aux yeux, c’était une auge ». Auge dans laquelle sa mère le plonge pour le protéger d’un incendie qui ravage le quartier juif et à laquelle s’abreuve la vache rouge du tableau. Celle-ci désignerait-elle la vache rousse des textes sacrés ? « L’Éternel parla à Moïse et à Aaron en ces termes : “Ceci est un statut de la loi qu’a prescrit l’Éternel, savoir : Avertis les enfants d’Israël de te choisir une vache rousse […]. Vous la remettrez au pontife Éléazar; il la fera conduire hors du camp, et on l’immolera en sa présence”. » (Les Nombres, 19). Ce passage de la Thora, qui décrit les prescriptions fondamentales des Hébreux en matière d’interdits, fait partie du savoir religieux que le jeune Chagall acquérait à l’école juive (heder ) de Vitebsk. Chagall ne se contentera pas de transposer cet enseignement dans sa peinture ; il le transformera en une vision métaphorique et poétique qui nourrit son art. Son passé le poursuit jusqu’à Paris, où il s’installe en 1911, dans un atelier au 18, impasse du Maine, puis à la Ruche où il réalise À la Russie, aux ânes et aux autres : « Deux, trois heures du matin. Le ciel est bleu. L’aube se lève ! Là-bas, plus loin, on égorgeait le bétail, les vaches mugissaient et je les peignais. » (Ma Vie, op. cit. , p. 145). Il se souvient aussi de sa fascination de gamin juif pour les églises orthodoxes inaccessibles, avec leurs iconostases qui lui étaient interdits : « Ma chambre s’éclairait du bleu foncé tombant de la fenêtre unique. La lumière venait de loin : de la colline où se trouvait l’église. J’éprouve toujours du plaisir à peindre une fois de plus cette église et cette petite colline sur mes tableaux. ». La peinture, l’une des premières grandes compositions parisiennes de Chagall, préparée par un esquisse à l’encre et une gouache, appartient, comme le souligne Pierre Provoyeur, au thème des « nuits », illuminées par des couleurs fauves, éblouissantes, et par une force poétique « démente » (Blaise Cendrars), incarnée par la décollation de la fermière et par la vache qui plane par-dessus le toit, en référence au dicton juif qui dit de quelqu’un que sa tête vole dans le ciel quand il se laisse emporter par sa fantaisie. Après une présentation au Salon des Indépendants de 1912, le tableau est montré par Apollinaire – séduit par cette conjugaison d’une iconographie folklorique et d’un style cubiste qui lui donne son « pouvoir de choc » –, à la galerie Der Sturm de Berlin, en 1914. Il est le chef-d’œuvre de Chagall pour 1911, année définie par André Breton comme celle de sa « totale explosion lyrique » .

Centre Pompidou

Rédigé par rafael

Publié dans #ART MODERNE

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