Picasso - Les deux frères

Publié le 19 Mars 2018

Picasso - Les deux frères

Picasso - Les deux frères

Entre mai et août 1906, Picasso séjourne à Gósol, petit village de Haute Catalogne auquel on ne peut accéder qu’à dos de mulet. Il s’opère alors une rencontre singulière entre son œuvre et le paysage grandiose de ce village sans âge préservé de la modernité industrielle. Heureuse découverte que cette terre reculée de l’Espagne du nord où les grandes étendues d’argiles ocres et bistres coïncident étrangement avec celles dépeintes l’année précédente dans les compositions de la période rose, notamment la grande Famille de saltimbanques, 1905.

Les œuvres produites pendant cet estivage, et Les deux frères plus particulièrement, se situent à la charnière entre deux mondes et marquent une transition sans retour. Exécutée au début du séjour, cette gouache délicate est en effet encore empreinte de la mélancolie des grandes errances circassiennes, dont subsiste ici, bord cadre, le motif tronqué du tambour, vestige symbolique de l’époque des acrobates. D’un point de vue plus proprement stylistique, elle est aussi pleinement représentative du nouveau style classicisant inauguré quelques mois plus tôt avec Le meneur de cheval nu, 1905-1906, dont elle reprend en miroir la position du jeune homme.

Ce classicisme naissant est le fruit d’une inspiration multiple : celle d’Ingres, tout d’abord, dont Picasso a pu admirer Le Bain Turc, 1862, au Salon d’automne de 1905, et qui transparaît ici dans le contour linéaire des sveltes silhouettes qui se détachent sur un fond presque uni. A travers le choix du sujet, c’est aussi une inspiration plus lointaine, mais tout aussi prégnante, qui se manifeste: celle d’une Méditerranée éternelle peuplée de jeunes éphèbes. Cette œuvre a ainsi pu être rapprochée d’une photographie de Gilermo von Plüschow que conservait Picasso, figurant de jeunes garçons sur les ruines du site égyptien millénaire de Karnak Le traitement sculptural des corps enfin, stylisation du torse et des jambes dont les volumes sont obtenus par une nuance de teintes claires, renvoie à la tradition de la statuaire archaïque grecque des kouroï (Torse de Couros, vers 550 avant J.-C., Actium (Arménie)).

Coupé de l’agitation de la société contemporaine, isolé du monde, Picasso amorce à Gósol un retour aux sources de l’art. Cet élan primitiviste se traduit aussi bien plastiquement qu’iconographiquement. Tout dans cette composition – la complicité fraternelle, l’écuelle de terre, le pot de fleurs – renvoie à la vie simple et pastorale d’un âge d’or révolu. Première version d’une grande toile : Les deux frères, été 1906, conservée au Kunstmuseum de Bâle. Les deux frères annoncent le style des grands nus monumentaux de l’automne 1906 (Jeune garçon nu). Signe de leur importance première, ils figurent dès 1932 dans la première rétrospective de l’artiste organisée à la Galerie Georges Petit, de même qu’à l’exposition hommage du Grand Palais en 1966. L’œuvre apparait également à plusieurs reprises dans les photographies d’atelier de Picasso, notamment à La Californie.

Musée Picasso

Le meneur de cheval nu, 1905-1906

Rédigé par rafael

Publié dans #ART MODERNE

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article