Georges Catlin - Le musée indien
Publié le 30 Janvier 2018
Georges Catlin (1796 - 1872) fut parmi les premiers peintres américains à parcourir pendant de longues années l'Ouest américain. Il y collectionna de nombreux documents à partir desquels il exécuta des tableaux, portraits et scènes de vies, qui allaient constituer son "Musée indien" qu'il exposa aux Etats-Unis et en Europe dans les années 1840.
" La présentation à Paris du Musée indien de George Catlin, de mai à septembre 1845, puis, en mars 1846, de deux de ses portraits d’Indiens au Salon annuel, ne déclencha pas seulement la curiosité générale, elle eut un effet immédiat sur la jeune génération des artistes. Ils trouvèrent dans ce musée-spectacle et dans cette peinture un aliment inattendu pour construire une esthétique nouvelle dans laquelle « l’autre de l’art », soit toutes les formes de création a priori exclues du champ académique, tenait un rôle majeur. "
« Le moment d’ouvrir ma collection et de la faire illustrer par les Indiens finit par arriver. Annoncée depuis quelques jours, l’heure était là. Les visiteurs furent introduits dans les pièces où ils examinèrent avec une curiosité renouvelée mes 600 peintures et plusieurs milliers d’objets produits par la main des Indiens. Quand le public commença à être dense, ceux-ci, sortant à un signal d’une pièce adjacente, s’avancèrent jusqu’à la scène qu’ils gravirent, en file indienne, tout habillés et peints, équipés et armés comme pour le champ de bataille. En entrant, ils lancèrent leur cri de guerre et rien ne peut se comparer à la secousse qui parcourut la foule dans tous les coins de la salle. On se rua pour voir, ce fut à qui serait le plus proche de la scène pour manger des yeux
“Les Sauvages horribles”, “Les Peaux Rouges” ou “Les nouvelles (sic) Diables à Paris” » (Catlin, Adventures, II : 227).
" De ce dispositif spectaculaire, qu’ont retenu les artistes ? Théophile Gautier donna le ton avec son feuilleton, qui fit la une de La Presse, le 19 mai 1845 ; nous servira donc de guide. Comme la plupart des commentateurs, et selon l’esprit de Catlin, il place la rencontre sous le signe de la tristesse devant la fin inéluctable des vanishing Indians : « Quand une civilisation ou une barbarie va disparaître, il naît fatalement un historien qui en fait le portrait et en conserve ainsi le souvenir. » Ce que Fenimore Cooper a fait par le roman, Catlin le fait par l’image, il donne à voir, écrit Gautier, « le fac-similé le plus exact de la vie sauvage » au moment où ces « malheureuses tribus » sont décimées, quelques-unes anéanties « sans laisser d’autres traces que les croquis de M. Catlin ». Mais, loin de s’en tenir à cette mélancolie, qui venait de trouver chez Tocqueville ses accents les plus noblement pathétiques, Gautier accorde les deux expériences – celle du peintre et celle du spectateur – en inventant une intrigue qui les relie. C’est ici que la métaphore du voyage s’impose. Le visiteur est invité à suivre les pérégrinations du peintre, ou, plus exactement, à les revivre au fil des centaines d’images. Le voici lancé sur le fleuve, en steamboat d’abord, puis en pirogue, immergé dans la prairie, « mer d’herbes que le vent zèbre, moire d’ombres et de clairs, creuse en vagues, fait houler et déferler comme la mer véritable », apercevant au loin, « comme des nids de fourmis termites, des ruches d’abeilles », un village indien « avec ces wigwams de peaux de buffle […] gaufrés de hiéroglyphes bizarres ». Le seul lieu clos qui accueille le voyageur est la grande hutte où l’on initie les garçons par d’« affreuses tortures » qui prouvent leur « impassibilité dans la douleur ». Viennent ensuite les danses masquées où, dans les profils d’oiseaux, les museaux, les mufles, il croit reconnaître les divinités de « l’enluminure égyptienne », et, surtout, la chasse au bison longuement détaillée avec ses variantes d’été et d’hiver. Fin de l’« épopée sauvage » en images. Le coup d’œil sera beaucoup plus rapide sur les dizaines de portraits – « tous de face car les Indiens ne veulent pas être représentés de profil, comme des moitiés d’hommes » – où Gautier ne voit que des spécimens, des « individus caractéristiques des races éteintes ou même éteintes tout à fait depuis que l’auteur a commencé son voyage ». De même sera rapide l’énumération des objets dont il ne tire qu’un effet de bric-à-brac : « […] collection de tomahawks, de casse-têtes, de lances, d’arcs, de flèches, de mocassins, de calumets, de scalps, de berceaux, de crânes aplatis, de manteaux bariolés et autres curiosités indiennes [qui] vient à l’appui de l’authenticité des dessins. »
Source: http://journals.openedition.org
http://journals.openedition.org/gradhiva/194
"Peu d’hommes ont – au complet – cette grâce du cosmopolitisme ; mais tous peuvent l’acquérir à des degrés divers. Les mieux doués à cet égard sont ces voyageurs solitaires qui ont vécu pendant des années au fond des bois, au milieu des vertigineuses prairies, sans autre compagnon que leur fusil, contemplant, disséquant, écrivant. Aucun voile scolaire, aucun paradoxe universitaire, aucune utopie pédagogique, ne se sont interposés entre eux et la complexe vérité. Ils savent l’admirable, l’immortel, l’inévitable rapport entre la forme et la fonction. Ils ne critiquent pas, ceux-là : ils contemplent, ils étudient."
« Quant à la couleur, elle a quelque chose de mystérieux qui me plaît plus que je ne saurais dire. Le rouge, la couleur du sang, la couleur de la vie, abondait tellement dans ce sombre musée que c’était une ivresse ; quant aux paysages – montagnes boisées, savanes immenses, rivières désertes – ils étaient monotonement, éternellement verts […]. » (II : 446)
Charles Baudelaire, Exposition universelle, 1855, Beaux-Arts.
« La tête de ces Indiens est rasée, à l’exception d’une touffe de cheveux réservée sur le sommet du crâne, qui semble défier le couteau à scalper et sert à fixer les plumes d’aigles, les aigrettes, les fleurs et autres ornements. Le cuir chevelu est plâtré de diverses couleurs […]. La face est teinte de plusieurs nuances, selon la fantaisie de chacun : l’un est enluminé de cinabre avec des raies d’azur se déployant, de chaque côté de la bouche, comme des moustaches de chat ou des côtes d’éventail ; l’autre est rayé de blanc et de vert. Le général-commandant s’était entouré la figure d’une ligne bleue qui en dessinait l’ovale […] et coloré les paupières supérieures de vermillon ; le cinquième portait une main bleue épatée sur l’œil et la moitié de la joue. […]. Ils devaient se trouver splendides, avec leurs manteaux de buffle et de peaux de loup, leur vampums de coquillages, leurs colliers de griffes d’ours, leurs médailles de cuivre et d’argent, leurs colliers de graines d’ambre, de verroterie et de rassades, leurs queues de renard et d’écureuils, leurs scalps, leurs plumes d’aigle et leurs mocassins brodés de tuyaux de hérisson. […]. Ils présentaient à l’œil le plus amusant ramage de nuances qu’on puisse imaginer. »
« Sur un signe de l’interprète, trois Indiens se sont levés de leurs banquettes et ont été s’accroupir au milieu de l’estrade, et là ont commencé à taper sur des troncs d’arbre, recouverts de peau en façon de tambour, un rythme infernal soutenu par une espèce de crécelle raclée sur un morceau de bois, et les danses ont commencé. Les Ioways ont exécuté la danse de l’approche, la danse du scalp, la danse de l’aigle. Dans cette dernière, les danseurs tirent de temps à autre d’un sifflet qu’ils portent à la ceinture un râle aigu qui est censé imiter le cri de l’aigle. Tout en imitant les battements d’aile et les efforts du noble oiseau s’élevant dans les airs, ils chantent un couplet dont voici le sens :
C’est moi. – Je suis un aigle de guerre
Le vent est violent mais je suis un aigle
Je ne suis pas honteux – non je ne le suis pas
La plume d’aigle se balance sur ma tête
Je vois mon ennemi au-dessous de moi
Je suis un aigle, un aigle de guerre.
Rien de plus fantastique et plus effrayant que ces danseurs. Les Ioways y mettent une énergie, une animation extraordinaires : ils se trémoussent, ils sautent, ils agitent leurs tomahawks, brandissent leurs lances en poussant des cris, en roulant des yeux. »
Théophile Gautier
Gustave Doré - la Divine Comédie de Dante - LANKAART
Gustave Doré est un illustrateur, graveur, peintre et sculpteur français, né à Strasbourg le 6 janvier 1832, au 5 (aujourd'hui 16), rue de la Nuée-Bleue, et mort le 23 janvier 1883 à Paris da...
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